Le 20 octobre 1989, le Conseil d’Etat a rendu un arrêt fondamental dont les répercussions juridiques ont été considérables. Il s’agit de l’arrêt Nicolo, dans lequel le Conseil d’Etat a opéré un revirement de jurisprudence majeur en consacrant la suprématie des traités internationaux sur la loi interne française.
La contestation de M. Nicolo
Tout commence par la contestation de M. Raoul Georges Nicolo concernant les élections européennes de juin 1989 auxquelles ont participé les citoyens des départements et territoires d’outre-mer. M. Nicolo estimait que cette participation était contraire à l’article 227-1 du traité de Rome qui ne vise que la « République française ». Il a donc saisi le Conseil d’Etat d’un recours visant à l’annulation des opérations électorales.
Le refus traditionnel du contrôle de conventionnalité
Jusqu’alors, le Conseil d’Etat refusait de contrôler la compatibilité d’une loi interne avec un traité international, même lorsque cette loi était postérieure au traité. C’était le sens de la jurisprudence dite « des semoules » de 1968. Le Conseil d’Etat appliquait la théorie de la « loi-écran » qui faisait obstacle à un contrôle de conventionnalité, par respect du principe de séparation des pouvoirs notamment.
Bon à savoir : Le contrôle de conventionnalité désigne le contrôle juridictionnel consistant à vérifier la compatibilité d’une loi avec les engagements internationaux et européens de l’État.
L’admission du contrôle de conventionnalité dans l’arrêt Nicolo
Dans sa décision de 1989, le Conseil d’Etat opère un revirement spectaculaire en acceptant de contrôler la conventionnalité de la loi du 7 juillet 1977. Même si le recours de M. Nicolo est rejeté sur le fond, le Conseil d’Etat admet désormais sa compétence pour écarter une loi interne contraire à un traité international. Il confirme ainsi la supériorité des traités sur les lois, conformément à l’article 55 de la Constitution.
En abandonnant la jurisprudence des semoules et la théorie de la loi-écran, le Conseil d’Etat s’aligne sur la position déjà adoptée par la Cour de cassation dans l’arrêt Jacques Vabre de 1975. L’arrêt Nicolo marque donc l’avènement du contrôle de conventionnalité en France et la « désacralisation » de la loi interne.
Exemple : Grâce au contrôle de conventionnalité, le Conseil d’Etat a pu écarter l’application de dispositions législatives contraires à la Convention européenne des droits de l’homme, comme en matière de regroupement familial.
Les effets considérables de l’arrêt Nicolo
La portée de l’arrêt Nicolo est considérable, puisqu’il a permis l’introduction en droit interne du droit européen et de la Convention européenne des droits de l’homme. Le contrôle de conventionnalité s’est progressivement étendu, révolutionnant de nombreux contentieux comme celui des étrangers ou de la liberté d’expression.
Témoignage fictif: « Grâce à l’arrêt Nicolo, j’ai pu contester en justice une disposition discriminatoire prévue par la loi, car elle contrevenait à la Convention européenne des droits de l’homme. »
Certains ont néanmoins critiqué ce pouvoir reconnu au juge de « censurer » la loi au nom du droit international. Mais l’arrêt Nicolo reste une décision capitale, ayant profondément modifié la conception française de la hiérarchie des normes et les rapports entre le juge et la loi.