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L’arrêt Césaréo, un tournant de la procédure civile française

En droit français, le principe de l’autorité de la chose jugée empêche de remettre en cause une décision de justice définitive. Mais une question divisait la doctrine et la jurisprudence : un justiciable peut-il présenter une nouvelle demande identique en invoquant un nouveau moyen de droit ? C’est à cette problématique cruciale qu’a répondue l’arrêt Césaréo de l’Assemblée plénière de la Cour de cassation du 7 juillet 2006.

Les faits à l’origine de la saisine de la Cour de cassation

Un fils avait travaillé de nombreuses années auprès de son père agriculteur sans être rémunéré. Au décès du père, le fils assigna son frère et cohéritier en paiement d’une indemnité au titre du salaire différé prévu par le code rural.

Sa demande fut rejetée, le travail n’ayant pas été effectué au sein d’une exploitation agricole. Le fils, débouté, décida alors d’intenter une nouvelle action pour obtenir réparation. Il assigna une seconde fois son frère devant le tribunal pour obtenir le même paiement, mais cette fois-ci sur le fondement de l’enrichissement sans cause.

La cour d’appel déclara la demande irrecevable, l’autorité de la chose jugée attachée au premier jugement s’opposant à un réexamen du litige.

L’obligation de présenter tous ses moyens dès la première instance

Saisie d’un pourvoi, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation confirma qu’il incombe au plaideur « de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci ».

Ainsi, l’identité de cause entre les deux demandes successives perdurait. En invoquant l’enrichissement sans cause après l’échec du salaire différé, le fils ne pouvait remettre en cause l’autorité s’attachant à la première décision.

Ce principe de concentration des moyens oblige à présenter tous les fondements juridiques pertinents dès le début, sans les invoquer successivement. Cette solution renforce la sécurité juridique et l’efficacité de la justice.

Une jurisprudence toujours déterminante

Confirmé par la suite, ce principe s’applique également au défendeur. Il fut même durci en 2019, le plaideur devant présenter tous ses moyens avant que le juge ne statue sur sa demande.

L’arrêt Césaréo a ainsi modifié durablement l’appréciation de l’autorité de la chose jugée, renforçant l’efficacité de la procédure civile. Cette décision reste une référence du droit processuel français. Les juridictions sanctionnent toujours la présentation tardive d’un nouveau moyen juridique dans un litige déjà tranché.

L’arrêt Césaréo a donc consacré une concentration accrue des moyens devant le juge civil. Les plaideurs ne peuvent plus garder des cartes en réserve et invoquer de nouveaux fondements au fil de la procédure, ce qui favorise la célérité des décisions de justice.

Bon à savoir

Le principe de l’autorité de la chose jugée est prévu à l’article 1351 du Code civil. Il interdit de remettre en cause une décision de justice ayant acquis un caractère définitif. Pour qu’il y ait autorité de chose jugée, il faut une triple identité : identité de parties, d’objet et de cause.